Chroniques, Livres

“Une reine” – Judith El Maleh

Chère Judith,
Pardon. J’ai failli ne pas vous lire. Quand tant d’autres auteurs tout aussi méritants n’ont pas le privilège de la visibilité, j’ai eu la faiblesse de penser que c’était trop facile.

Mais quand un livre décide de venir à vous, il n’y a rien que vous puissiez faire.

Merci. Enfin un livre qui parle du Maroc, sans clichés, sans jugement. Je vous ai accompagnée dans toutes les étapes de votre retour à Casablanca, à la recherche de la vérité dans cette ville qui ne se tait jamais. J’ai mis mes pas dans les vôtres, j’aurais pu être vous tant tout ce que vous écrivez est familier (la description du hall de l’immeuble, la main sur le cœur du gardien, le jus épais, la corniche, la chambre qu’on retrouve parfaitement rangée, le pêcheur qui offre sa chaise à lwalida…).

Merci pour cette grand-mère qui aurait pu être la mienne, moi qui suis née dans une religion cousine de la vôtre. Je rectifie, cette grand-mère était la mienne, elle a été celle de tant d’autres femmes marocaines comme vous et moi, elles nous ont faites et défaites, nous avons porté comme un fardeau leur regard et leur abnégation, et de leur résilience et de leur force, nous avons fait un trophée. Seulement, nous ne le savions pas.

Nous sommes femmes, mères, épouses de, nous sommes avant tout fille et petite fille de. Cette phrase, je l’ai reçue comme une évidence, une alarme, l’alarme du temps sans doute devant ces histoires de reines dont nous, les petites filles, sommes dépositaires, dont nous sommes faites, sur lesquelles nous avons construit nos silences.

Merci de l’avoir écrit, de l’avoir dit au monde, merci d’avoir parlé d’elles, et de nous.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *