Chroniques, Livres

Comme un empire dans un empire – Alice Zeniter

Rien ne destinait L et Antoine à se rencontrer. Elle la hackeuse, lui l’assistant parlementaire arrivé là un peu par hasard. L qui vit au dedans, Antoine qui vit au dehors. Cette introduction pourrait vous induire en erreur. Vous croyez peut-être qu’il s’agit d’une histoire d’amour. Mais non, ou en tous cas pas dans le sens commun qu’on lui prête. On attend d’ailleurs bien une centaine de pages avant que la rencontre n’ait lieu. Entre-temps, Alice Zeniter dresse le portrait de ces deux protagonistes dans leurs mondes parallèles où ils se battent, chacun à leur façon, chacun avec leurs bagages, leurs lacunes, leur infaillibilité, pour un monde qui a plus de sens.

Ça va vite, pendant les deux premières parties du livre, logorrhée de phrases, d’actions, on passe de L à Antoine, d’Antoine à L. Il ne s’agit que d’eux deux, ça tire à l’infini sur leurs vies, parfois un peu trop, parfois il y a quelques longueurs. Les ramifications de certaines réflexions sont impressionnantes. Et les faire tenir toutes dans un roman tient du prodige. Ou de la folie. Ou du vertige.

Plusieurs personnages gravitent autour d’eux, mais on sent bien une volonté de les éclipser derriere l’épaisseur des deux premiers. Puis d’un coup, sans le soupçonner une seconde, l’orage se calme, et la dernière partie se voit se concentrer sur L, et paradoxalement la scène s’élargit, comme une caméra qui dézoome, inclut des personnages périphériques qui deviennent centraux pour quelques pages, et la fin apparaît comme une évidence.

Pour son originalité, pour nous faire découvrir le monde abyssal d’internet et non moins abyssal de la sphère parlementaire, « Comme un empire dans un empire » tire largement son épingle du jeu dans cette rentrée littéraire à laquelle on a souvent reproché d’être trop centrée sur l’auto-fiction.

Aux éditions Flammarion.