Chroniques, Livres

Parce que les fleurs sont blanches – Gerbrand Bakker

Ceci n’est pas une chronique.
Ceci est le cœur qui témoigne.
Quatre livres en tout m’ont obligée à faire une halte à quelques pages de la fin tant je sentais que cette fin allait me bouleverser : Des souris et des hommes (Steinbeck), En attendant Bojangles (Bourdeaut), Cent millions d’années et un jour (Andrea), et celui-ci.
Quatre œuvres qui ont également en commun d’être des romans courts.
C’est l’histoire d’un père et ses trois fils, une mère absente, quatre « gars dans une voiture », jusqu’à l’accident qui va rebattre toutes les cartes.
C’est simple, c’est court, c’est beau.
Quelques pages pour une leçon de vie.
Parfois il est inutile d’analyser à outrance.
Parfois, il faut juste laisser les mots faire leur chemin jusqu’à vous.
Parfois, il suffit juste de ressentir.
Alors lisez juste. Et ressentez. Beaucoup.
« Parce que les fleurs sont blanches » aux éditions Grasset.
Chroniques, Livres

Le dernier Syrien – Omar Souleimane

La révolution syrienne racontée de l’intérieur, vécue par une jeunesse pleine d’espoir pour la liberté, qui se retrouve prise en étau entre les islamistes et le pouvoir. Un roman au parti pris, qui alterne les amours délicates de la vingtaine, et les horreurs d’une guerre civile innommable. l’homosexualité d’un des protagonistes a, m’a-t-il semblé, grande place dans ce récit. Et cela est raconté avec beaucoup de courage et de tendresse.
Un prisme sur l’histoire vu, vécu, raconté par des jeunes qui ont une soif de vie sans compromission, mais qui ont le malheur de ne pas être en accord avec leur temps.
L’incipit de ce roman saute aux yeux sur la couverture, à côté du drapeau Syrien et du regard de la jeune fille : « nous sommes vivants malgré les ruines qui nous entourent. » Force est de se demander ce qu’il en est des ruines intérieures, de ceux qui ont perdu un pays, une foi, une famille ?
Et de lire, au travers de la violence des rues, celle, plus contenue, peut-être même plus dangereuse pour celui qui la porte, des mots, celle qu’on glisse entre les lignes, qu’on retient trop longtemps, qu’on essaie de noyer dans un roman de 166 pages, parce qu’on a été témoin de la chute de tout ce qui nous est cher.
Un récit poignant donc. Un témoignage qui a survolé les mers pour arriver jusqu’à nous, dans les bagages et le vécu du jeune auteur qu’est Omar Youssef Souleimane.
Billets d'humeur

Un petit mot et un grand merci !

Je ne suis pas douée pour les bilans de fin d’année, pour les résolutions d’une autre encore jeune, je ne suis pas douée pour les belles photos sur les réseaux, mon compte Instagram ressemble plus à un maelström de moments, un joyeux bordel aux couleurs improbables. Il me ressemble en vrai. Et il fait son petit bout de chemin.
Tous les bilans contiennent des chiffres mais les chiffres ne sont pas mes amis, ils sont binaires et rigides, abrupts et sans demi-mesure, je leur ai toujours préféré les mots qui me permettent plus de nuances et de palettes.

Alors voilà un petit tour de magie qui transforme les chiffres en mots : cela fait maintenant un peu plus d’UNE année que cette aventure littéraire a commencé, j’ai découvert des livres que je n’aurais jamais lus sinon, rencontré des personnes dont je n’aurais jamais croisé le chemin, eu le grand privilège de mener une rencontre littéraire dans une librairie prestigieuse avec un non moins prestigieux auteur (Merci encore à la Librairie Delamain et Philippe Hayat Auteur pour leur confiance), j’ai découvert un monde si vaste que j’en suis encore sur le seuil. Alors comme tous les mondes, il est vrai, il a ses dérives et ses lois, des côtés obscurs et injustes, cruels parfois, mais il est surtout fait de gens passionnés comme il m’a été rarement donné d’en voir. En cela, je suis honorée de m’être faite une infime place parmi toutes ces personnes de talent et de passion, et je suis fière de pouvoir y participer un peu à travers les réseaux et mon modeste blog culturel.

J’ai lu une bonne QUARANTAINE de romans, participé à autant de rencontres littéraires. Je ne les ai pas tous chroniqués, j’ai eu des coups de cœur et des coups de gueule, j’en ai dévoré certains, j’en ai abandonné d’autres, mais j’ai toujours tenté de partager dans le respect de l’auteur et la totale sincérité de ce que ses lignes m’ont inspirée.
Vous êtes à présent un peu plus de SEPT-CENT sur Facebook et SIX-CENT sur Instagram à suivre mes élucubrations littéraires et artistiques.
Cela n’est pas grand chose mais c’est tout de même le monde pour moi.

De temps en temps, entre deux chroniques, je glisse modestement mes propres mots, car il n’est pas à se leurrer qu’à aimer les mots des autres, on y cherche et on y rêve ceux qu’on pourra un jour partager à notre tour.

Merci à ceux qui m’encouragent, à ceux qui me rendent meilleure aussi, merci pour les messages que je reçois parfois de votre part et qui me font chaud au cœur. Que l’année DEUX MILLE VINGT vous soit aussi douce que l’année DEUX MILLE DIX NEUF a été riche pour moi.

Amitiés, Le Calame

PS : sauras-tu retrouver les chiffres que j’ai subrepticement glissés ?
PS2 : Aux auteurs : pardon si vous ne voyez pas vos titres sur la photo, j’en ai prêté certains, offert d’autres, et lu les derniers sur la liseuse.

Chroniques, Livres

Cent Millions d’années et un jour de Jean-Baptiste Andrea

Dernière chronique 2019, je ne pouvais espérer mieux pour clore cette année.

À présent, fermez les yeux. Imaginez. Ressentez.

C’est une lecture pleine de grâce que ce roman, pour une écriture d’une sensibilité rare, presque féminine.
C’est l’histoire de Stan, un paléontologue qui s’élance corps et âme dans une recherche improbable, une ascension folle dans les montagnes. C’est l’histoire de paysages, d’éléments qu’on apprivoise, qu’on défie, d’une amitié silencieuse, de forces contraires.

On est touché par la folie douce de Stan, par cette valse qu’il mène avec ses fantômes et qu’il va chercher jusque sur un glacier, par-delà tous les dangers, les extrêmes, ceux qui agitent les montagnes et ceux de son cœur. On aime les ambivalences et les oppositions, on aime l’humanité rendue à ces cimes immuables, aux montagnes et aux hommes, sans les départir de leur cruauté ni de leurs failles. On aime cette nudité vierge de l’humain et du glacier, on aime qu’ils se rejettent et qu’ils ne fassent qu’un à la fois.

Et longtemps après avoir tourné la dernière page, vous serez encore là-haut, avec Stan, dans son glacier, vous mettrez quelques jours à lui lâcher la main, à le laisser partir, vous en ressortirez avec un coup au cœur, vous vous sentirez vivants, et c’est bien là toute la beauté des livres promis à la postérité.

Créations, Nouvelles

Bba, le vieil homme et moi

Il fut un temps, dans une contrée non lointaine, entre déserts et montagnes, entre plaines et vallons, un homme, plus vieux que vieillard, qui avait le même trajet tous les matins depuis de longues années.

Aux premières lueurs de l’aube, quelle que soit la saison ou l’humeur du ciel, on le voyait apparaître au seuil de son logis, et traverser le village, étrange silhouette fantasmagorique qui hantait le réveil des habitants, courbée sous une charge invisible, chapeau élimé vissé jusqu’aux yeux, canne de vieux bois usé à la main.
Comme dans tout village où il ne se passe jamais grand-chose, sa dégaine, son trajet quotidien et mystérieux alimentèrent très vite les fables les plus romanesques, les peurs les plus primaires et les commérages les plus terribles. On le disait fou, on le disait ensorcelé, les mères interdisaient à leurs enfants de s’approcher de lui. Plus que tout, on racontait qu’il fallait absolument éviter de croiser son regard, que le diable agissait au travers de ses yeux pour recruter et damner les pauvres âmes mortelles.

Les passants, qui d’aventure se retrouvaient sur son passage, psalmodiaient des prières en baissant la tête, et ceux qui avaient eu le malheur – ou la curiosité, de croiser son regard, et de s’y attarder, rapportaient par la suite des fièvres et des délires qui ne pouvaient être que l’œuvre du malin.
Ne connaissant rien de lui, au village, tout le monde l’appelait « Bba », un terme sciemment générique qui pourrait désigner un père ou un grand père. Mais on ne lui connaissait ni de fils, ni de petit-fils. Les plus anciens se rappelaient son arrivée au village comme d’un jour orageux et sombre. Ils racontaient qu’il était arrivé par la route principale, à pied, un sac de toile élimé sur l’épaule, qu’il s’était enquis d’un toit, et qu’il s’était acquitté, comptant et d’avance, du loyer d’une masure qui n’en valait pas la moitié.

Le propre des villages pauvres et oubliés, coincés entre les montagnes et les mers, délaissés par les cieux et la fortune, est de trouver distraction à leurs malheurs et à leur ennui. Le propre des miséreux est de bâtir des fables, de convoquer les esprits pour les étayer, de vendre des talismans pour s’en prémunir. Le propre des crédules est d’y croire. Et le propre des enfants est de les braver.
Les enfants donc, les plus farouches d’entre eux, s’essayaient à suivre Bba en lui jetant des rires, les plus cruels, enhardis par l’effet de la meute, lui jetaient des pierres.
Ni cruel, ni farouche, je me rangeais plutôt du côté des timides, et j’avais, comme tous les enfants de mon âge, entendu ces fables et obéi à ma mère de crainte d’être enlevé par Bba.

Nous vivions avec ma mère et mes sœurs dans la maison la plus excentrée du village, celle au bord de la route, ce qui fait que tous les matins, quelques instants après le lever du soleil, je voyais passer Bba au loin. Avec les années, j’appris à reconnaître sa silhouette courbée, à l’anticiper, à l’attendre, et – est-ce parce qu’il trompait mon ennui d’enfant dans un village reculé ? à l’espérer. Il avait une démarche lourde mais auguste, un port arqué mais majestueux.  Mon instinct premier ne me murmurait aucune défiance envers l’étranger, mais à huit ans, quel poids pouvait avoir l’instinct d’un enfant face à la vérité des hommes ? Il ployait le dos sous le poids d’une charge mystérieuse, je ployais mes doutes sous la certitude de la foule. Pourtant, je ne sais quel élan me poussa un jour à le suivre. Aujourd’hui, je sais simplement que quelle que soit l’inconsciente folie qui naquit en moi ce jour-là, je n’aurais pas pu m’y dérober, et que toutes craintes qu’on ait pu m’inculquer, l’élan s’en trouva à cet instant-là plus fort. Il fut une évidence.

Chroniques, Livres

La maison – Emma Becker

Emma Becker s’est glissée corps et âme pendant deux ans dans une maison close berlinoise. Résultat : ce roman inclassable. Revient-on indemne de ce genre d’expérience ? D’écriture ?

Un psychanalyste se frotterait les mains d’avoir une patiente telle que Emma Becker. Parce qu’il faut une bonne dose de névrose et probablement autant de folie (et une foi entière en elle et en ses capacités) pour faire ce qu’elle a fait : pour écrire sur les prostituées, elle en est devenue une elle-même, en rejoignant une maison close à Berlin pendant deux ans et demi. Mais au final on s’en fiche, l’essentiel est là sous nos yeux, sous nos mains, dans la forme de mots qui traduisent le corps, presqu’un toucher virginal, une cambrure de papier.

Ce roman questionne la relation de la femme au plus vieux métier du monde et plus particulièrement la fascination de certaines d’entre elles – d’entre nous, comme Emma Becker, pour celles qui se dédient à la sexualité. Le désir féminin y est abordé, décrit, analysé, pensé, sous toutes ses formes, de la plus crue à la plus poétique.

Naïvement presque, elle choisit d’aborder ce sujet avec bienveillance, refusant toute violence ou contrainte, ou même d’aborder les raisons qui poussent ces femmes au choix de la profession. Elle choisit l’angle de l’humain, sans en rajouter, ni dans le trop ni dans le pas assez, sans embellir ni le rendre glauque. J’ai eu le sentiment parfois de me retrouver dans un de ces tableaux de Toulouse-Lautrec, qui, entre tous, a su capter avec bienveillance l’intimité de ces êtres, qui sont femmes aussi, qui sont femmes avant tout.

Est-ce de la littérature? Et pourquoi pas ? Il y a de l’esprit, il y’a de l’humilité, il y a des mots qui prennent tout leur sens, et surtout il n’y a pas de jugement. Et si parfois c’est cru , bizarrement ça n’est jamais vulgaire. Si parfois j’ai dû faire une halte, j’ai continué avec une certaine fascination et tenu à lire jusqu’à la fin.

C’est une lecture dérangeante, et je pense sincèrement qu’il est compliqué de vous recommander ou non de lire ce livre, parce que sa lecture est très personnelle et dépend de la relation que chacun de nous entretient avec ce sujet. Je comprendrais qu’on ait de la gêne à lire certains passages, voire du dégoût, je comprendrais qu’on ne comprenne pas.

Je serais d’ailleurs curieuse de savoir si les hommes et les femmes ont reçu cette lecture de la même façon, avec la même subtilité et la même nuance, et comment l’ère du #metoo s’accommode de ce témoignage qui fait valser le bienséance .
A bon entendeur.

Créations, Texte court

Ivresse d’un soir

Le vin l’enivre, elle susurre qu’elle aimerait bien un autre verre, il se laisse faire avec délice, il pense qu’il a le contrôle mais elle tire toutes les ficelles, elle le laisse prendre les décisions, l’hameçon se tend, invisible, irréversible, la toile est tissée, prête à se refermer sur lui qui ne sait rien du malheur qui va s’abattre pour quelques heures avec elle. Elle sait à quel moment frapper, elle sent le moment qui approche, elle a l’habitude, mais lui ne sait rien, il sourit d’un bonheur auquel il peine à croire, la promesse d’une solitude qui s’effriterait dans ses bras, qui ne serait plus la seule compagne de ses nuits vides.

Une main qui frôle son bras, par inadvertance pense-t-il, il ne sait pas que tout est calculé, depuis le soir où elle a jeté son dévolu sur lui sur le site de rencontre.

Elle rit à ses blagues, passe une main séductrice dans ses cheveux, un doigt à ses lèvres rouge vif.

Le piège se referme, il lui donnerait son âme, elle lui donnera son corps.

Il tentera de l’oublier dans les bras d’une autre, dans quelques nuits, il rallumera son ordinateur, les yeux scannant les profils de ces femmes dont il cherchera dans chaque sourire, chaque regard, chaque ride, une ombre d’elle, un souvenir à embrasser.

Mais pour l’heure, il frisonne d’un bonheur nouveau et empoisonné.

Chroniques, Livres

Rencontre avec la littérature Marocaine à la maison de la poésie

25 Novembre 2019,

Au début, j’ai eu le sentiment de me retrouver dans un dîner entre amis au coin du feu, où, pour raconter les prémices des premiers mots qui ont fait d’eux des écrivains, il fallait raconter l’intime, le rapport à la patrie, aux années de plomb, la politique, le poids de l’histoire, familiale et coloniale (parfois confondues), le protectorat français et la résistance, le rapport au corps et à la religion.

Une discussion à sept cœurs, où les masques, d’habitude si présents dans cette société qui m’est pourtant chère, semblaient se fissurer, mouvement nécessaire si l’on veut parler avec sincérité du parcours si personnel qu’on a avec l’écriture.

Sept auteurs aux histoires différentes, parfois opposées (dont les parents sont pour certains illettrés, et qui écrivent, une génération plus tard, dans une langue qui ne leur est pas maternelle), différents donc dans leurs parcours, la langue choisie pour l’écriture, les idées, les personnalités, mais avec la passion commune de l’écriture et une frénésie touchante pour la lecture dans leur jeunesse.

Un constat frappe très vite, paradoxal et intriguant : l’amour commun pour la littérature française, comme un ciment qui les unit et les ancre dans la terre, la lecture absolue des classiques de l’oppresseur pourtant combattu dans les années coloniales. Peut-être moins intriguant que cela si on y pense, à cause d’un syndrome de Stockholm encore présent deux générations plus tard : tout Marocain, et à fortiori l’écrivain, a un lien viscéral et complexe, de désamour et de tendresse avec le Français, ses écrits et sa langue. Il l’envie et le redoute, veut lui ressembler mais le rejette.

Alors, lorsque le Marocain se retrouve sur la scène du Français, sur ses terres, au cœur même de sa culture, ça se transforme vite en éclats de voix, en passions déchaînées, ça s’invective entre auteurs,  le temps s’arrête, s’allonge, cela dure deux heures au lieu d’une, l’audience de la maison de la poésie, d’habitude plongée dans un silence presque religieux, se mêle aux débats, rigole, s’exclame, apostrophe l’auteur, le compatriote, l’arabophone, le francophone.

Et moi, dans ce bordel qui me semble si familier, je me dis que cela faisait longtemps que je ne m’étais pas sentie aussi fière d’appartenir à un gène aussi riche, aussi complexe, aussi bancal, aussi sanguin.

Aussi vivant.

Aussi marocain.

Auteurs présents à cette rencontre : 

Yasmine Chami, Youssouf El Alamy, Jalal El Hakmaoui, Youssef Fadel, Mohamed Hmoudane, Mustapha Kebir Ammi & Latifa Labsir

Chroniques, Livres

Palmarès lecteurs.com de la rentrée littéraire 2019

Mercredi 13 novembre avait lieu la rencontre avec les 5 auteurs qui ont constitué le palmarès de la rentrée littéraire vu par les participants à l’aventure des explorateurs de la RL 2019 (Fondation Orange) cet été dont j’ai eu l’occasion de faire partie.

Quelques moments clés de la soirée (de gauche à droite sur la photo):

  • Karine Tuil et sa modestie/gentillesse. Elle avait reçu le prix interallié le jour même pour son roman “Les choses humaines” chez Gallimard, et était légitimement prise pour la soirée de récompense. Elle a malgré tout honoré sa promesse de venir, même pour un quart d’heure. Elle a salué et remercié l’audience de lecteurs, s’est excusée de ne pas pouvoir rester plus, elle semblait presque s’excuser d’avoir reçu ce prix. Une modestie touchante alors qu’elle était en tous point la reine de la journée.

PS : L’honnêteté intellectuelle m’oblige à dire que je n’ai pas partagé l’enthousiasme de la blogosphère pour le roman « les choses humaines », pour plusieurs raisons que j’explique modestement dans le post que vous pouvez retrouver sur mon compte. Cela n’empêche pas d’apprécier la personne à l’origine de l’œuvre. A l’inverse, quelle déception parfois lorsqu’on adore un écrit et que la personne à l’origine ne soit pas à la hauteur de la plume. 
Un débat pour une prochaine fois, un prochain lieu, qui me pose question depuis qu’avec le calame j’ai souhaité connaître un peu plus les coulisses d’un monde qui m’a toujours fascinée et passionnée.
Séparer l’homme de l’œuvre ? Faut-il garder le mystère de la plume, ne pas y mette un visage, une personnalité qui risquerait de rendre les choses trop humaines ? (Vous avez noté le calembour? Trop fière :p) ou trop détestables parfois ?

  • L’indignation contagieuse de Brigitte Giraud  : sa voix fluette contrastait avec ses prises de position, toute animée qu’elle était contre certaines horreurs de ce monde. Une indignation qu’elle a mise dans son livre « Jour de courage » chez Flammarion.
  • La bonne humeur de Jean-Philippe Blondel, tout aussi contagieuse, qui, “mine de rien” raconte son livre à coup de blagues et de calembours. Un moment de tendresse également lorsqu’il a confessé avoir aussi écrit ce livre pour sa fille, afin qu’elle en apprenne un peu plus sur son père. “La grande escapade” à retrouver aux éditions Buchet-Chastel.
  • La pudeur de Valérie Tong Cuong, lorsqu’elle a évoqué avoir écrit son roman “Les guerres intérieures“, JC Lattès, suite à l’agression de son propre fils.
  • Le débat très d’actualité que propose Jean Le Gall avec son roman “L’île introuvable” chez Robert Laffont, et les idées de l’auteur sur ce qu’est devenu la littérature française, à l’heure des médias et des réseaux sociaux.

Un grand merci à l’équipe Lecteurs.com pour l’organisation de cette soirée haute en couleurs.

 

Chroniques, Livres

“Une bête au Paradis” Cécile Coulon

Comme toujours, je suis étonnée et admirative de la puissance de certains romans alors même qu’ils sont cousus de sujets si simples; et c’est précisément ce qui fait mouche. En l’occurrence, il s’agit ici de la transformation d’une enfant, puis d’une adolescente, et enfin d’une adulte, jetée dans l’arène de la vie.

On a envie de lire vite, de tourner les pages rapidement pour connaître la suite, et en même temps on a l’envie encore plus tenace de faire durer le plaisir d’une lecture fine, de lire et relire encore certaines tournures qui semblent être là par une évidence simple, qui semblent avoir trouvé leur place sans effort.
Et cette dualité m’a fait vivre tout au long de la lecture. En fait, elle m’a fait vivre la lecture. .
J’ai senti l’odeur de l’herbe mouillée, j’ai senti la douleur que laissent ceux dont l’absence est insupportable, j’ai senti ce que c’était que de grandir trop vite, trop tôt, j’ai ressenti cette grand mère, j’ai vécu presque chaque mot comme une douce violence, une violente douceur.

Tout se passe dans une ferme, baptisée « le Paradis », quelques hectares de terre, et pourtant on voyage bien loin, dans cette famille pleine de silences, de rudesse et de poésie, aimante et maladroite, bancale et solide, fragile et touchante, rustre comme une main qui a connu le travail bien trop tôt, et tendre comme la caresse qu’elle sait encore donner.
Encore la dualité.

Et à la dernière page, j’ai eu du mal à les quitter, Gabriel, Blanche, Emilienne et les autres, eux dont j’avais suivi les déchirements, nuit après nuit. Me reste, en plus du souvenir d’une lecture forte, dérangeante parfois, une question en point d’orgue, un silence suspendu dans le temps : que reste-t-il de l’humain lorsque ses passions primaires sont bafouées, trahies, quand bien même vivrait-il au Paradis ?