Et il se peut même, qu’un jour, adossée à toutes ces pages que tu auras écrites, tu te réjouisses d’avoir traversé tant de guerres car sinon, tu serais passée à côté de la vie, la vraie, si inquiétante, si dense, si mystérieuse, qu’on préfère généralement s’en protéger, n’est-ce pas ?
Lionel Duroy
Intra Muros – Pièce de théâtre d’Alexis Michalik
Théâtre de la Pépinière, Paris 2ème, jusqu’au 28 février 2019 (12€ à 44€)
Je sors de la pièce avec un sentiment que quelque chose de crucial m’échappe. Quelque chose qui ferait passer ce moment de théâtre de « c’était sympa » à « c’était grandiose ». Alors je cours chercher sur internet quelques indices sur cette fin qui m’a, pour le coup, laissée sur ma faim (le jeu de mots n’est pas intentionnel et légèrement superflu, mais passons), mais je ne trouve rien qui apaise cette frustration qui me poursuit quelques heures, et même un peu en filigrane le lendemain.
C’est la troisième fois que j’assiste à une pièce d’Alexis Michalik (par grandeur d’âme, je vous épargne le jeu de mots malheureux avec le pâtissier homonyme – à une lettre près). « Le porteur d’histoires » m’avait effectivement portée, « Edmond » m’avait déçue ; l’admiration que je prête à De Rostand étant infinie et presque un peu trop subjective, je n’ai pas aimé voir ce génie de l’alexandrin dépeint en un personnage dénué de profondeur, peu sûr de lui et certainement pas à la hauteur de sa grande oeuvre : Cyrano. Intra Muros me laisse dubitative et légèrement agacée d’être passée si près de LA grande émotion. Alors il est vrai, assister à une pièce de Michalik, c’est avoir l’assurance de passer un très bon moment de théâtre, avec cette fluidité de mouvement et de rythme qui ne peut que vous enchanter. Les mêmes acteurs jouent différents personnages et vous ne pouvez qu’être bluffés par la facilité qu’ils ont à vous plonger d’un univers à un autre.
Mais quand même. Tous les éléments sont là pour en faire une grande pièce de théâtre : un sujet intéressant (l’introduction m’a d’ailleurs fait miroiter une très belle introspection sur les émotions de l’acteur en tant qu’individu à part entière, le passage de l’acteur au personnage, ce passage si étroit, presque invisible parfois que l’un peut être confondu avec l’autre), des acteurs franchement doués, une mise en scène réussie, mais le résultat est tombé à plat. Quelque chose n’a pas pris, le message principal s’est perdu quelque part entre l’introduction et la conclusion (qui sont les meilleures parties du spectacle à mon sens). Alors il se peut que je me trompe, que je cherche à travers les lignes un message qui n’existe pas et qui n’a jamais existé, et qu’il ne s’agit en fait que d’une simple comédie amusante et qui ne vole pas haut. Si c’est le cas j’en fais amende honorable, mais il serait étonnant et même très décevant d’arriver à réunir autant d’intelligence artistique sans une trame analytique en toile de fond qui emporterait et bouleverserait les spectateurs. Ce moment si exceptionnel où vous restez scotché sur votre siège, pendant quelques secondes irrespirables avant que d’une seule voix la salle entière n’acclame la prouesse et le génie. Et c’est cela, je pense, qui me fait dire à la fin de la pièce « oh ben zut ! »