Je n’aime pas ne pas aimer un livre. Je suis toujours gênée à l’idée de froisser le travail d’un auteur, je sais tout ce qu’il implique d’investissement, tout ce qu’il cristallise comme enjeux. Mais sur ce livre en particulier, dans ce contexte particulier, il m’importe de questionner.
Je n’avais encore jamais lu du Leila Slimani, un malaise dont j’ai mis un moment à cerner les contours m’empêchait d’ouvrir un de ses livres. J’espérais sincèrement qu’il se dissiperait avec ce roman et que je rejoindrais l’engouement de la blogosphère. Mais non. J’ai abandonné au bout du tiers.
Ça n’a pas pris. Je ne m’y suis pas retrouvée, je n’ai rien reconnu. Ou si peu.
J’aurais aimé qu’elle décrive les rues si typiques de la médina de Meknès, et, dans le détail, les tenues des anciennes, j’aurais aimé qu’à côté des odeurs d’égouts, de la teigne sur les cheveux des enfants, du sang du mouton pendant les fêtes, elle raconte les odeurs des épices, l’appel à la prière, la langue qui claque sur certaines syllables, l’obscurité de certaines ruelles, les dédales des autres, les mariages arrangés de ce temps, la complexité et la beauté des personnages qui l’ont fait, ce temps, qu’elle s’attarde sur certaines traditions qui ont fait de nos grands-mères ce qu’elles sont.
J’aurais aimé qu’elle soit nuances, subtilité, qu’elle rende compte du tableau complexe du pays à travers les yeux de ceux qui l’habitent, pas de ceux qui l’imaginent ou le fantasment.
J’aurais aimé apprendre des choses sur cette période de colonisation puis d’indépendance qui a forgé l’identité de tout Marocain, qu’elle nous dise à quel point nous sommes faits de l’histoire de ce pays, de son présent aussi, qui nous rend si sanguins dans son amour et sa détestation simultanées.
À la place, je retrouve une histoire de famille qui aurait pu se passer n’importe où, des scènes caricaturales à souhait, un manichéisme qui m’a fait bondir à plusieurs reprises, à plusieurs pages d’intervalle (Un mari et père Marocain des années 40 qui boit une bière avec sa femme – quand bien même elle est Française, sur une terrasse au vu et au su de tous, et en fait boire à sa fille. Ben voyons. Qui ne rechigne pas à ce que sa fille soit éduquée dans la religion chrétienne en plein mouvement d’indépendance. Ben voyons (bis) – cette « chronique » serait bien trop longue si je devais en citer tous les exemples).
À une autre j’aurais pu excuser la vision tronquée, alors je me demande pourquoi, il y a tant de choses à en dire de cette vie-là, pourquoi ce choix-là et pourquoi il plaît tant ici ?
Bref. Je ne sais pas de quel pays des autres Leila Slimani parle dans son roman, mais ce n’est pas certainement pas du mien.
Aux éditions Gallimard