Un très beau roman, de ceux qui marquent.
Et être aimée, puissamment, maladroitement, par la vie et par des yeux à la couleur océan.
Un très beau roman, de ceux qui marquent.
Et être aimée, puissamment, maladroitement, par la vie et par des yeux à la couleur océan.
Retour sur la chronique radio dans l’émission “Tendances et Influences” sur Chaîne Inter. J’y parle de l’exposition Morozov à la Fondation Louis Vuitton et plus particulièrement du Tryptique Marocain d’Henri Matisse.
Sujet tabou, sujet délicat tant l’art est subjectif. Et forcément se pose par ricochet, mais dans des proportions moindres, la question de la littérature contemporaine.
Extrait page 12 : « Ces trésors du passé furent d’abord réalisés pour adorer un Dieu, ou pour servir un prince. Plus tard, ils furent collectionnés par d’autres princes, ou des bourgeois, mais pour le plaisir. Ils n’étaient pas vus comme un investissement, ils n’étaient pas exposés pour « valoriser la collection » ou pour « développer la marque », ils n’étaient pas revendus cinq ans après leur achat pour réaliser une plue value. Ils étaient gardés jalousement chez soi, pour la délectation personnelle, montrés à un petit cercle d’amis sûrs, plus tard donnés au Louvre ou au Metropolitan pour le bénéfice de la patrie. Ils n’étaient pas aimés parce qu’ils étaient chers, ils étaient chers parce qu’ils étaient aimés. »
Depuis longtemps l’envie de m’attaquer à ce monument de la littérature russe. Et le plaisir de retrouver cette édition de 1973 dans notre bibliothèque.
Normal people fait partie de ces livres dont on ne sait objectivement pas pourquoi on aime. L’écriture est simple, l’histoire est simple, et on est pourtant aimantés jusqu’à la fin.
Une histoire d’adolescents puis de jeunes adultes dans une petite ville de l’ouest irlandais, qui se cherchent, se ratent, se manquent, bataillent avec leurs angoisses et leurs désirs.
Normal People, de Sally Rooney. Magnifiquement transposé en série sous le même titre.
Ce n’est pas tant pour l’histoire que vous lirez ce livre. Mais pour le style. Il vous faudra prendre votre temps. De toutes façons vous n’aurez pas le choix, c’est le roman qui mènera la cadence, ce seront les phrases qui vous diront où vous arrêter, où vous attarder, où reprendre votre lecture.Vous n’y serez pour rien, vous dévalerez les pages comme une route dont vous ne savez où elle vous mènera. Laurent Mauvignier dissèque avec une minutie rare les pensées de chaque personnage, il nous emmène là où on ne voudrait pas aller parfois, avec une fluidité à vous arrêter parfois en vous demandant comment vous êtes passé d’un personnage à l’autre sans y prendre garde.
Il est question d’un hameau, un de ces bourgs oubliés de France où le temps n’a plus d’emprise, il est question d’une parisienne sexagénaire et excentrique qui s’y installe pour peindre, de ses voisins de la ferme, un couple au mari torturé par l’amour qu’il porte à son épouse, et à la femme au passé obscur, il est question d’un chien, d’une petite fille, il est question de cheveux orange, de lettres anonymes, de boue, de départementales, de pluie, il est question de trois frères inquiétants, trois inconnus mais pas tant que ça, qui viennent déranger cette harmonie bancale.
Et au milieu, si vous y êtes sensible, un sublime passage qui tente de décrypter le magnétisme entre l’homme et la peinture, le mystère irrésolu de cette rencontre qui peut s’installer entre le vivant et la matière, ne sachant cependant pas, entre l’homme et la matière, lequel est vraiment homme et lequel est matière. Peut-être que ça n’a pas d’importance au final, et que les deux se désintègrent puis fusionnent dans un amas d’étincelles et de feu, pour créer ce qu’on appelle communément « l’art ». Un roman dont on dira sans aucun doute qu’il fut un classique de notre siècle.
Casablanca, années 90.
Dans ce livre il y a deux mondes. Le premier est plein de vérités, il est juste et sans clichés. Il dresse le portrait de la jeunesse dorée Casablancaise, des villas d’Anfa, de ce monde à deux vitesses qu’est la capitale économique avec ses boîtes de nuits, ses lois qu’on contourne, sa misère, et les enfants inégaux qu’elle enfante. Casablanca la carnassière, Casablanca la douce. Casablanca la schizophrène.
Deux mondes, et parce que je n’ai pas réussi à les faire se rencontrer, ma lecture a été en demi-teinte.
Attention coup de cœur. Vous me direz que je suis acquise à la cause d’Olivier Bourdeaut, vous n’auriez pas tout à fait tort, mais quand même. Parce que Florida n’a rien à voir avec « En attendant Bojangles ». Écrit à la première personne, phrases courtes, percutantes, humour grinçant, Florida c’est l’histoire d’Elizabeth Vernn, 7 ans, que sa mère traîne de concours en concours. De l’autre côté de l’Atlantique, ça s’appelle être une mini-miss. Des concours de beauté où les petites filles sont maquillées, juchées et jugées sur des podiums. Sauf qu’Elizabeth grandit, et dans sa construction, quelque chose explose. Alors, ce corps qui était le seul lien avec ses parents, elle va le pousser à bout, elle va le tordre, elle va chercher à le briser, elle va lui faire hurler le désespoir d’une enfance gâchée par les ambitions maternelles.Elle sait, elle n’est pas dupe. Dans une lucidité désarmante, elle sait qu’au fond, son obsession de vengeance, la destruction qu’elle cherche avec autant de violence et d’acharnement n’est rien d’autre que la destruction du lien. Olivier Bourdeaut touche du doigt les extrêmes de la psyché humaine. Sans mièvrerie, sans poésie, juste l’humain dans sa forme la plus brute et la plus fragile. Prouesse d’autant plus impressionnante qu’il écrit en se mettant à la place d’une femme. Il en saisit les douleurs, le rapport au corps, l’impossible vérité.Alors oui, Elizabeth grandit, et dans sa construction quelque chose explose. Florida est le récit de cette explosion
Aux Editions Finitude
Le café du classique, c’est comme un café tout court, quand tu y prends goût, tu as du mal à t’en passer.
Cette fois, nous sommes 45 à nous attaquer au livre de Ray Bradbury, au titre imprononçable pour nous autres latins, Fahreinet 451. C’est la température à laquelle on dit que les livres brûlent. En 1953, R. Bradbury imagine un monde, où, pour unifier la pensée, taire les rebellions, les livres sont brûlés, ironie du sort, par les pompiers. Les murs écrans remplacent les interactions, les portes annoncent les visiteurs, les vérandas et plus généralement tous les espaces où l’individu peut se laisser aller à penser, à discuter, sont supprimés. Tout n’est que technologie, tout n’est que vide.
Alors certes, en 1953, R. Bradbury a imaginé un monde à l’extrême. Mais à se demander s’il est si loin du nôtre. La pensée unique, les écrans, la culture non essentielle… des petites choses comme ça auxquelles on s’habitue dangereusement au point de ne plus les voir, même dans une lecture de dystopie.
Alors je ne sais pas pour vous, mais même à Fahrenheit 451, moi ça me fait furieusement froid dans le dos.
Les classiques ont cela de bon qu’ils nous font voyager. Pas uniquement dans une époque ou pays lointains, mais aussi à travers ce style bien particulier qui utilise des temps d’une conjugaison qui moisit dans nos bescherelles d’adolescents.
Dans ce château où le temps s’est figé, Pip fait la connaissance d’Estelle, enfant comme lui, élevée par Mme Havisham pour briser le cœur des hommes. Il en tombe instantanément amoureux, et fera tout pour s’élever à la hauteur de son rang, avec l’arrivée à point nommé de ce qu’il appellera « ses grandes espérances », une fortune qui lui tombe du ciel et qu’il attribuera à la bonté de Mme Havisham.
Voguant entre Londres de l’époque victorienne et les marais de son enfance, sa culpabilité et besoin de tourner le dos au monde qui l’a vu grandir et aux personnes qui lui sont chères, le jeune Pip grandit, découvre les déceptions et les fêlures, les amitiés et la bienveillance, en un mot découvre la vie, sous une plume mordante d’humour et d’intelligence.