Il y a des lectures dont on ne sort pas indemne. « Né d’aucune femme » est de celles-là. On se demande tout au long si l’horreur va cesser, on appelle de tous ses vœux une accalmie dans ces destins tragiques, qu’on puisse reprendre un tant soit peu de souffle.
Pour la première fois, je ne saurai dire avec précision si j’ai aimé. Je pense d’ailleurs qu’il ne s’agit pas d’aimer ou non, ce que provoque ce récit va bien au-delà de cela. Ce que je sais en revanche, c’est que je n’ai pas pu décrocher de cette lecture. J’ai été piquée, droguée dès la première page, par ce destin qui n’en finissait pas de souffrir, ce mal qui ne finissait pas de grandir, allant jusqu’à s’exorciser des pages pour aller trouver écho dans les tripes du lecteur. Longtemps j’ai été poursuivie par l’ombre de l’héroïne, ses souffrances, son enfance volée, ses amours contrariées. Ma raison me sommait pourtant de me distancier du récit, arguant dans un coin rationnel que tant de tragédies s’abattant sur une seule personne ne favorisait que le sensationnel et que béatement je m’y engouffrais. Une défense pour ne pas vouloir croire que tant de silence peut s’abattre sur une seule et unique personne ? sur une famille ? sur un microcosme ? Je n’en sais rien. Mais si le succès d’un livre, en dépit de toute logique, et au-delà de toute raison, se mesure au frisson qu’il fait bouger dans nos entrailles, et à ce qu’il laisse comme creux dans notre ventre, alors ce roman est définitivement une réussite.
Photo : Rencontre avec l’auteur Franck Bouysse organisée par la librairie Ici Grands Boulevards. Un auteur qui, je le cite “veut faire parler le silence”, et qui “jette du sable dans l’étang”, car, dit-il, il finira bien un jour par avoir pied.
Un ravissement à lire, un ravissement à écouter.