Chroniques, Livres

Et qu’importe la révolution – Catherine Gucher

Immense coup de cœur pour ce roman dont je ne connaissais ni l’auteur ni la maison d’édition. Dès les premières pages, dès la première ligne lue, dès la première image décrite, j’étais conquise. Comment ne pas penser au grand livre d’Hemingway, Pour qui sonne le glas ? la plume de l’auteur mise à part, on retrouve l’odeur de la révolution, des montagnes, le goût de la fronde, le temps qui se suspend au souffle des armes, et surtout la cause qu’on embrasse, viscéralement, au-delà du soi, jusqu’à ce que le soi n’existe que par le peuple, jusqu’à la folie, jusqu’au déchirement, jusqu’à la mort.

Oscillant entre le silence des montagnes ardéchoises, le soleil révolutionnaire de Cuba, les rues espagnoles jonchées des espoirs écrasés par l’armée franquiste, ce livre raconte le souvenir des disparus, de ce qui a été, de ce qui advient, la vieillesse inéluctable de la mémoire, du corps et des luttes de jeunesse.

Un soir de 2016, à l’annonce du décès de Fidel Castro Jeanne replonge dans ses souvenirs. Du fin fond de sa montagne ardéchoise, Jeanne se souvient donc, en silence, à l’abri de la ville et des hommes, de sa jeunesse révolutionnaire, elle se souvient d’un passé qu’elle tente de maintenir présent, l’arrière-goût amer de l’inachevé, d’un idéal cantonné au rêve. Elle se souvient des luttes, tente de les faire revivre, son corps a besoin de vibrer encore, une dernière fois.

De l’autre côté des Pyrénées, Ruben se souvient aussi, de son enfance volée, de la traversée des montagnes, la fuite de la dictature de Franco, Ruben l’Espagnol, Ruben le réfugié, d’abord à Marseille et ensuite à Oran, et pour finir à Cassis. Il se souvient de Jeanne et tente de convoquer un passé, les morts, les amours contrariées, les blessures, les non-dits et les regrets.

Un livre pour raconter deux vies qui se chevauchent, qui se ratent, deux vies au crépuscule qu’un idéal sépare, aussi immuable que les montagnes qui se dressent entre eux, mais qui essaieront de se retrouver malgré tout. Et ceci dans la meilleure écriture qui soit, celle qui vous fait sentir la chaleur du soleil sur votre peau, qui vous fait frissonner du vent des cimes, qui vous fait entendre le bois qui craquelle sous vos pas, et le cœur qui bat dans la poitrine.

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