Raconter une vie en l’espace d’une nuit, cette nuit qui fut fatale à Emile Zola, voici le récit auquel s’attaque le roman de Jean-Paul Delfino.
De Zola, je ne connaissais que Thérèse Raquin, laborieusement lu à l’adolescence. Bien sûr, « Germinal » et le fameux « J’accuse » trônaient fièrement dans la bibliothèque familiale mais d’autres lectures avaient la priorité de mes années ingrates et acnéiques.
Aussi, c’est avec beaucoup de fascination que j’ai côtoyé l’engagement de l’écrivain, dans cette France du tout début du XXème siècle, si honteusement et ouvertement antisémite. Car, à lire certains chapitres, cela aurait pu être une histoire absurde, un récit marrant, humour noir et rire jaune. Cela aurait pu faire une bonne comédie de boulevard. Cela aurait pu, si ça n’avait pas été tragiquement véridique.
Aux pages « politiques », qui retracent la haine qu’a inspirée Zola à la suite de l’affaire Dreyfus, la foule abrutie par les discours des élus et responsables des journaux de l’époque (qui faisaient et défaisaient le pouvoir en place), j’ai toutefois préféré celles, plus intimes et plus touchantes, sur l’homme.
Et c’est donc avec beaucoup de tendresse que j’ai côtoyé Zola pendant ces quelques deux cents pages, que je me suis faufilée dans son intimité, ses pensées, en remontant le cours de son enfance relativement bancale à Aix en Provence, le deuil de son père et avec lui celui de l’insouciance, les premiers amours, du cœur et de la chair, les amitiés précoces avec Cézanne, Baille et consorts, et cette évidence en lui depuis toujours, qu’il atteindrait les sommets de la littérature.
Une préférence pour ces pages donc, qui doit également beaucoup au style plus poétique que choisit Jean-Paul Delfino pour raconter l’homme derrière l’écrivain.
Et un roman qui aura, en plus d’être très bien écrit, le mérite de remettre sur le devant de la scène un grand nom de la littérature française.